Rockabilly 514: des marginaux qui vivent comme en 1957
Les protagonistes de
Rockabilly 514. De gauche à droite: Bloodshot Bill, Sonya Topolinsky, Guillaume Ozoux, Nathalie Lavergne, Blake (The Coakroaches), Elvis, Mister Blue Eyes et Mademoiselle Oui Oui Encore.
Photo: Patricia ChicaLa Presse
Si vous étiez à Saint-Hyacinthe la fin de semaine dernière, vous les avez sûrement remarqués. Ils étaient des dizaines avec leurs vieilles voitures, leurs bananes gominées, leurs coupes Betty Page et leurs favoris de compétition.«Ils», ce sont les rockabillys de Montréal, du Canada et du nord-est des États-Unis, venus participer au troisième Festival Red, Hot & Blue, un événement annuel qui célèbre la culture, l'esthétique et le mode de vie des glorieuses fifties.
Cette communauté marginale est présente partout dans le monde, du Japon aux États-Unis, en passant par l'Europe. Ils écoutent les mêmes vieux disques, portent les mêmes fringues rétro et rejettent en bloc l'esprit consommateur de notre époque.
À Montréal, ils sont peu nombreux: quelques centaines d'irréductibles, tout au plus. Mais cela ne les empêche pas de vivre leur trip à fond. C'est ce que raconte le film
Rockabilly 514, dont la version courte sera présentée à la télé le week-end prochain. Réalisé par les Montréalais Patricia Chica et Mike Wafer, le documentaire brosse un portrait éclairant de cette sous-culture, à travers une demi-douzaine de truculents personnages qui semblent avoir été congelés en 1957.
«Le projet nous a pris quatre ans, raconte Patricia Chica. Mais il aurait aussi bien pu ne jamais voir le jour. Contrairement aux Américains, qui feraient n'importe quoi pour passer à l'écran, les rockabillys montréalais se sont montrés plus méfiants. Ils ne voulaient pas qu'on les prenne pour des bêtes de cirque. Ni comme des freaks. Il a fallu gagner leur confiance.»
Pari gagné, semble-t-il, puisque le résultat n'a rien de superficiel.
Entre Bloodshot Bill le «one man band», Nathalie Lavergne la productrice de spectacles, Guillaume le réparateur de «hot rods» ou Mademoiselle Oui Oui Encore la stripteaseuse du Blue Light Burlesque,
Rockabilly 514 montre que le quotidien d'un rockabilly n'est pas de tout repos. Ces gens ont choisi leur passion avant la raison, mais ils doivent aussi en payer le prix.
«C'est peut-être ce qui m'a marqué le plus, explique la réalisatrice. Le côté sacrifice. Ces gens sont prêts à s'endetter ou à prendre des boulots alimentaires pour vivre leur vie rêvée. Parce que ça demande un effort d'être rockabilly. Préserver des choses du passé, trouver des vêtements vintage, des pièces de voiture des années 40, ça finit par coûter cher. Et ça prend du temps. Au fond, ils se compliquent la vie. Mais ils le font pour une cause et c'est ce qui est touchant».
Patricia Chica avoue s'être un peu reconnue dans cette passion et cet entêtement. Elle s'est elle-même endettée pour mettre le projet sur les rails, et a sacrifié un boulot de réalisatrice à MTV aux États-Unis (la série de téléréalité
Tiara Girls, sur les futures Miss Univers) pour achever son documentaire. Aucun regret, toutefois. «C'est ce que je devais faire», dit-elle.
Et maintenant? Au film de faire sa vie. Produit par Amérimage-Spectra,
Rockabilly 514 est déjà prévu pour d'autres gros événements rockabilly aux États-Unis. Peu présente au Québec depuis quelques années (elle travaille beaucoup à New York), la réalisatrice d'origine salvadorienne espère aussi que la version longue du documentaire aura sa place à l'Ex-Centris ou dans quelque festival de cinéma montréalais.
«J'ai envie que les gens d'ici sachent que cette communauté existe. Depuis le premier jour, je sais que ce film ne me rapportera pas d'argent. C'est un truc pour les initiés. Mais si je peux contribuer à mettre les rockabillys sur la carte culturelle, ce sera ma récompense».
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Rockabilly 514 est diffusé à Canal D dimanche 12 août à 21h et à Bravo! Canada, le 14 août à 19h30.